lundi 23 mars 2015

Lettre type à envoyer à son député

Objet : Votez contre l’amendement n°AS1488 au projet de loi de santé 2015

Madame la Députée, Monsieur le Député,

Vous examinerez prochainement à l’Assemblée le projet de loi de santé 2015. En tant que parent d’un enfant handicapé, je tiens à vous faire part de mon inquiétude à la lecture de l’amendement n°AS1488 et je vous demande instamment de bien vouloir voter contre cet amendement. En effet, cet amendement, s’il est voté, signera un grave recul des droits des personnes handicapées, en permettant que l’orientation des personnes handicapées ne soit plus réellement fondée sur leurs besoins.

Cet amendement prévoit que la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) pourra, en cas de besoin lorsqu’elle instruit le dossier d’une personne, réunir un «groupe opérationnel de synthèse» incluant des gestionnaires d’établissements et services notamment sanitaires, sociaux, médico-sociaux et éducatifs. Ce groupe proposera alors un « plan d'accompagnement global à la CDAPH» (Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées, organe de la MDPH décidant des prestations attribuées aux personnes handicapées, ainsi que de leur orientation scolaire, professionnelle et en établissement ou service médico-social).

Deux éléments en particulier sont inquiétants :

• il est prévu que ce groupe de synthèse formulera des préconisations non plus seulement sur la base des besoins de la personne, comme le prévoit actuellement la loi, mais «à partir des besoins de la personne handicapée et des ressources mobilisables», ce qui instaure une possibilité d’orientation par défaut, y compris par exemple vers des structures en Belgique, où sont déjà exilées 5.000 personnes françaises handicapées

• il apparaît que la MDPH pourra, si le projet d’amendement est adopté, statuer sur des orientations dans le secteur sanitaire puisqu’il est question de «tout établissement, service ou dispositif» : en l’absence de places de SESSAD autisme, la MDPH pourrait donc par exemple statuer sur une orientation en hôpital de jour ; de même, pour un adulte, elle pourrait statuer sur une orientation en hôpital psychiatrique à défaut de places en établissement médico-social. Ce type d’orientation est totalement inadapté.

Même si l’amendement stipule que la proposition du groupe de synthèse à la CDAPH se fera «après avoir obtenu l’accord de la personne handicapée ou de ses parents», je doute de son applicabilité. On sait bien qu’aujourd’hui, l’article L241-7 du CASF n’est quasiment jamais respecté alors qu’il stipule pourtant que la personne handicapée ou ses parents « sont consultés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ».

Ces « groupes opérationnels de synthèse » sont clairement inspirés des commissions « situations critiques », créées fin 2013 afin de résoudre les situations les plus complexes (personnes handicapées sans solution). Elles se sont en fait révélées incapables de remplir leur mission. Il est donc illusoire de croire qu’en réunissant des « groupes opérationnels de synthèse », on trouvera des solutions alors qu’elles n’existent pas : le problème, c’est l’insuffisance de l’offre médico-sociale.

Alors que les délais de décision des MDPH sont déjà bien au-delà de ce que prescrit la loi (parfois un an ou 18 mois, alors que la loi prévoit 4 mois), cet amendement, en instaurant un nouvel organe à consulter, ne fera que retarder encore les décisions de la MDPH, voire bloquera toute décision : la CDAPH s’abstiendra en effet probablement de statuer si le « groupe opérationnel de synthèse » ne propose pas de solution.

L’amendement prétend proposer aux personnes handicapées des solutions qui, quoique non adaptées à leurs besoins, permettraient provisoirement de leur apporter un semblant de réponse en attendant que l’offre médico-sociale se crée et s’adapte. Mais c'est un leurre : on sait que le provisoire devient fréquemment définitif. En témoigne le recours à l’amendement Creton, voté par l’Assemblée en 1989 pour permettre aux jeunes adultes ayant dépassé la limite d’âge des 20 ans de rester dans leur Institut Médico-Educatif en attendant que des places en structure adulte leur soient offertes. 26 ans plus tard, l’amendement Creton, qui n’avait vocation qu’à être un palliatif provisoire, est encore très largement (et de plus en plus) utilisé.

Pour toutes ces raisons, j’espère que vous rejetterez l’amendement n°AS1488. Dans cette attente, je vous prie d’agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, mes salutations les meilleures. »

EDIT : L'amendement est en cours de remaniement. Cet article est donc dépassé. Il restera toutefois sur le blog à titre d'information pour les lecteurs.

 

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