lundi 6 mai 2013

Cécile Duflop


Lettre de l’ANPIHM et de la CHA à Mme Cécile Duflot
 
Le 2 mai 2013
Madame la Ministre,
Le site « Batirama.com » vous prête des propos relatifs aux normes d’adaptabilité des logements en relation avec les difficultés vécues par les personnes en perte d’autonomie. Et si ces propos sont bien les vôtres, ils ne peuvent appeler de l'Association Nationale pour l'Intégration des Personnes dites Handicapées Moteurs et de la Coordination Handicap et Autonomie que les plus vives réserves et protestations !
 
En effet, « Batirama.com » titre: Aux handicapés de faire évoluer les normes.
 
Autre sujet sur lequel la ministre s’est exprimée, celui de l’adaptabilité des logements. Aujourd’hui tous les logements neufs construits doivent l’être suivant les normes handicapés avec toutes les contraintes que cela entraine, techniques (1) mais aussi la réduction des surfaces(2) pour les pièces principales telles que les séjours par exemple.
Ces premières allégations sont inexactes et trompeuses, en effet :(1) Les seules dispositions techniques inventées par la loi du 11 février 2005 sont les balcons desservis par un seuil maxi de 2 cm et la possibilité de pouvoir, quand nécessaire, réaliser une douche accessible. Ces deux dispositions, sont reconnues sans difficulté de faisabilité par le Centre Scientifique des Techniques du Bâtiment et appliquées depuis des décennies dans des pays comme la Suisse, peu suspecte d’aventurisme technologique...
 
(2) les dispositions ‘d’adaptabilité’ pouvant impacter les surfaces ont été imposées dès 1975. La loi du 11 février 2005 ne les aggrave en rien et cible strictement les mêmes appartements que la loi du 30 juin 1975, à savoir ceux en rez-de-chaussée ou desservis par ascenseur. La loi du 11 février 2005 y ajoute seulement « les logements susceptibles d’être desservis par ascenseur », en clair ceux d’improbables immeubles équipés d’une « cage d’ascenseur» en réservation.
 
Dans ces conditions, imputer aux règles d’adaptabilité en place depuis 38 ans les conséquences des dérives, contemporaines, des couts du foncier et de la construction relativise la pertinence de ce préambule éditorial quelque peu (mal ?) orienté.
 
« Batirama.com » poursuit: A cela Cécile Duflot fait un constat, « 577 députés et plus de 400 sénateurs ont voté la loi de 2005 à l’unanimité (1) Personne à ce moment-là ne s’est manifesté (2) pour expliquer par exemple qu’installer des siphons de sols à tous les étages sous les baignoires n’était peut-être pas une obligation opportune » (3)
 
Si ces propos sont exacts, nous ne pouvons rester sans réagir tant ils déforment la réalité historique du vote de la loi incriminée !
En effet (1), la loi du 11 février 2005 fut adoptée avec les seules voix des parlementaires de la majorité de l’époque (364 voix ‘pour’ sur 527 votes exprimés). L’opposition, elle, fut unanime à la rejeter (163 voix ‘contre’, dont celles des députés écologistes Martine Billard et Yves. Cochet) aux motifs, entre autres, qu’elle ne répondait ni aux attentes ni aux besoins. Ce qui est une réalité aujourd'hui, particulièrement en matière de cadre bâti d'habitation !
 
(2) Au stade du vote de la loi, la retenue était de mise quant aux dispositions techniques, non encore connues, puisque du seul ressort de la réglementation à venir, elle ne peut donc ici valoir approbation rétroactive.
Pour sa part, bien esseulée il est vrai, l’ANPIHM a réagi dès sa connaissance de textes opposables illégitimes en recourant, avec succès, devant le Conseil d’Etat puis, via les parlementaires de l'Opposition, devant le Conseil Constitutionnel, preuve de la pertinence de sa compréhension des limites de cette loi, comme des atteintes aux règles de l’art et de sécurité, des contradictions et des incohérences de sa réglementation qu’il convient maintenant de corriger et non d’amoindrir .
 
(3) Par ailleurs la ‘possibilité’ de pouvoir réaliser, quand nécessaire, une douche accessible n’est pas obligatoire dans tous les appartements nouveaux à tous les étages, mais uniquement dans les appartements en rez-de-chaussée ou desservis par ascenseur, ce qui ne représente guère plus de 50 % du quota annuel de logements neufs et moins de 10% des maisons individuelles neuves.
 
« Batirama.com » poursuit encore: « Si aujourd’hui je monte au créneau, on me promet une manifestation de gens en fauteuils roulants devant mon ministère. J’ai d’ailleurs parlé du sujet de l’adaptabilité des logements avec le Président de l’Association des Paralysés de France cette semaine en lui expliquant les contraintes de ces exigences (1), mais cette évolution si elle doit avoir lieu (2) doit être portée par ces associations d’handicapés elles-mêmes(3) ».
 
Permettez-nous, Madame la Ministre, de vous indiquer que vos propos, s'ils sont exacts, nous laissent pantois !
 
En effet, comment admettre alors que le Président de la République, certes alors qu'il était seulement candidat, a indiqué que «le handicap devait devenir une grille de lecture» et que de surcroît une circulaire du Premier Ministre appelle l'ensemble des ministres à intégrer dans leurs projets de loi «les problématiques des personnes dites handicapées» afin de ne pas créer ou aggraver les situations de handicap qu'elles vivent au quotidien en raison des obstacles qu'elles doivent surmonter, que vous puissiez demander, non pas aux professionnels du Bâtiment d'appliquer la volonté du législateur, déjà bien insuffisante pour être efficace, mais vouloir « expliquer » au Mouvement associatif « les contraintes de ces exigences... » ! En précisant par ailleurs, « mais cette évolution si elle doit avoir lieu » !
 
Est-ce à dire que l'adaptabilité à mettre en oeuvre ne le serait plus nécessairement selon vos intentions? À l'évidence, si tel était le cas, il s'agirait là d'un casus belli irréductible entre le Mouvement associatif et votre Gouvernement !
 
Enfin, en concluant comme vous le faites « doit être portée (l'évolution’ NDLR) par ces associations d'handicapés elles-mêmes » ! Outre qu'il serait plus respectueux vis-à-vis des personnes concernées que vous employiez le terme de « personnes » et non pas du seul substantif « handicapés », il semble que vous méconnaissiez la réalité et confondiez nos fonctions respectives !
 
En effet, voilà plus de 50 ans que les personnes dites handicapées se battent pour que les différents acteurs économiques et politiques cessent de multiplier les obstacles générateurs de situations de handicap, mais n'ont obtenu que les lois de 1975 et de 2005 bien insuffisantes à amorcer ne serait-ce que l’élimination des obstacles architecturaux !
 
Mais la réalité doit être dite ! C'est l'absence de volonté politique des différents gouvernements successifs et leurs tentatives de renoncements qui contraignent les personnes dites ‘handicapées’ à être de plus en plus « exigeantes » !
 
Et il semble malheureusement, si les propos qui vous sont prêtés sont fidèlement rapportés, que les personnes dites handicapées soient à la veille de devenir victimes d'un nouveau cycle de renoncements !
Aussi, nous vous demandons, Madame la Ministre, de ne pas confondre nos fonctions respectives, car s'il revient au Mouvement associatif de vous présenter ses revendications, revendications inspirées par l’expérience du vécu et particulièrement porteuses ici de l'intérêt général de la population, notamment des personnes valides mais vieillissantes, il revient à votre Gouvernement, au nom des principes républicains qui devraient tous nous animer, de faire triompher la justice sociale et l'égalité de tous les citoyens, qu'ils soient dits valides ou dits handicapés !
 
Pour l’ANPIHM et la CHA, l’accessibilité des immeubles d’habitation et l’adaptabilité des appartements sont les fondements élémentaires du principe de précaution aux conséquences de la de perte d’autonomie. Nous ne pourrions imaginer, tant ce principe vous est familier, que vous puissiez ne pas le partager.
 

Restant à votre entière disposition pour vous informer personnellement des contenus concrets des textes législatifs et réglementaires, de la situation réelle vécue par les personnes dites handicapées au quotidien, et des conséquences financières nettement plus limitées que différents lobbys vous le font croire dès lors qu'il s'agit d'améliorer l'accessibilité architecturale du cadre bâti d'habitation, comme nous l'avons d'ailleurs déjà explicité par le menu aux membres de votre Cabinet,
 
Nous vous prions de croire, Madame la Ministre, à nos sentiments les plus perplexes mais néanmoins respectueux.
 

Vincent ASSANTE.
Président de l'ANPIHM.
Administrateur de la CHA.


Christian FRANCOIS.
Administrateur de l'ANPIHM et de la CHA.
Représentant de la CHA aux commissions
plénières et accessibilité du CNCPH.


 

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