mercredi 24 avril 2013

France, préfères-tu nous entendre vivants ou nous comprendre morts ?

Je remercie Catherine Dupont Le Calvé, parent des Yvelines, qui a écrit avec son cœur ce texte magnifique et si vrai à propos du drame de lundi dernier :
 
 
Le 22 avril 2013, un homme d'une soixantaine d'années, épuisé, a tué son fils autiste âgé de quarante ans avant de tenter de se suicider. Le fils est mort, le père a été sauvé par l'auxiliaire de vie du fils.
 
Dans les Médias, aucun article conséquent de vrais journalistes qui feraient leur travail en alertant et en dénonçant le drame français.
 
Un homme autiste de 40 ans a été tué par son père à bout, père à qui il a été empêché de mourir tel qu'il le voulait avec son fils et qui va souffrir toute sa vie.
 
Non cette histoire ne bouleverse personne à part nous qui sommes concernés et qui savons toute la douleur, tout l'épuisement, toutes les frayeurs, tout l'abandon de la France, qui ont conduit ce père à ce geste fatal.
 
Un homme est mort tué, il était autiste, alors tout le monde comprend le drame, admet que c'était peut-être la seule solution.
 
 
Au mieux le geste du père est compris et personne ne jugera.
 
 
La liste s'allonge, régulièrement nous apprenons les solutions finales trouvées par des familles qui sont laissées sans aide, face à l'autisme de leur enfant, enfant ou adulte, des familles qui préfèrent crever d'un coup plutôt que dans les souffrances insupportables.
 
La justice nous a montré pour les cas similaires précédents qu'elle comprend.
 
Généralement il y a une peine de sursis pour le parent qui a tué son enfant autiste.
 
Cette compréhension montre bien que la société sait ce que vivent les personnes autistes et leurs familles.
 
Et pourtant rien ne bouge, la société n'évolue pas.
 
Le parent qui passe à l'acte reçoit un sursis de peine parce que la justice sait que le vrai coupable n'est pas le parent mais l'abandon de la France, que le seul vrai coupable est la France qui ne permet pas aux personnes autistes de bénéficier de leurs droits.
 
Et cela veut dire que même lorsqu'elle est victime d'un meurtre la personne autiste n'a pas accès à ses droits, puisque le vrai coupable n'est pas convoqué au tribunal.
 
Lorsqu'un homme non handicapé est tué, on trouve le coupable et on le juge selon les critères habituels. Lorsqu'un homme autiste est tué, tout le monde compatit.
 
 
La société y voit surtout la fin d'une souffrance... Rarement la fin, par meurtre, d'une vie.
 
On constate combien la vie n'a pas la même valeur aux yeux de la société selon qu'on est né handicapé ou pas.
 
La société ne fait rien pour faire face à la souffrance, ne permet pas aux personnes handicapées de bénéficier de leurs droits. Mais elle comprend la pire façon de mettre fin à la souffrance. Elle accepte sans émois que des familles mettent fin à la souffrance en mettant fin à la vie.
 
Les personnes handicapés victimes du désespoir et de l'épuisement de leurs familles mais victimes avant tout de l'abandon de la France reçoivent une discrimination de plus lorsqu'elles sont tuées : la compréhension pour l'auteur du geste fatal !
 
Les parents épuisés qui, dans un désespoir profond, font le geste fatal se foutent de la compréhension qui leur est accordée. Ils auraient préféré qu'on leur laisse le temps de réussir leur suicide parce qu'il est évident qu'ils ne pourront plus vivre et souffriront jusqu'à leur dernier souffle. Ces parents-là auraient préféré être entendus et compris avant le crime de l'épuisement.
 
La compréhension, c'est de leur vivant qu'en ont besoin les personnes autistes !
 
La société comprend la mort mais pas la vie !
 
Il est plus facile d'offrir des larmes de compassion face à la mort que d'agir pour une vie digne !
 
France, je croyais que nous, parents d'enfants autistes, attendions de toi mais nous entendons la réponse à notre attente par le silence de ce plan 3 pour l'autisme que nous appelons à présent le plan fantôme.
 
France je réalise que c'est peut-être toi qui attends de nous, parents d'enfants autistes...
 
France, le père qui a opté pour la solution de la mort pour son fils et lui t'a sûrement entendue avant les autres, ton silence s'entend très fort en ce moment et ton silence est meurtrier.
 
France préfères-tu nous entendre vivants ou nous comprendre morts ?
 
 
France, nous aimons la vie, nous aimons nos enfants, nous savons ce qu'il faut faire pour répondre à leurs besoins mais nous ne pouvons pas tout, en étant seuls et sans moyens.
 
France ne nous laisse pas plus longtemps entendre le bruit des chaînes de ton plan autisme fantôme.
 
France, les parents des enfants et adultes autistes n'ont pas de disponibilité pour aller gueuler sur les boulevards de ta capitale afin d'obtenir leurs droits fondamentaux.
 
France n'attends pas que leur épuisement se transforme en crime même si ça t'arrange.
 
 
France ne réponds pas à nos attentes par un plan fantôme.
 
 
France, n'oublie pas que tu es le pays des droits de l'homme.
 
 
France, SOS ! Nous ne pouvons plus attendre d'être morts pour être entendus et compris !
 
Français n'attendez pas d'être concernés.
 
1 personne sur 100 est autiste.
 
La solidarité c'est maintenant !
 
 
Catherine Dupont Le Calvé,  mère d’un jeune adulte autiste
23/04/2013
 
 
 

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