jeudi 10 janvier 2013

Les convois de la honte ?


Amandine Weaver est une battante. Une maman prête à tout pour le bien être de Maxence, son fils de 8 ans et demi. Un enfant diagnostiqué autiste en 2007. Alors quand le taxi qui emmène Maxence tous les jours dans son école en Belgique lui a parlé de la loi de financement sur le transport sanitaire, la jeune maman a été « scandalisée » « C'est stupide et c'est inhumain », juge-t-elle.

Amandine Weaver n'a pas réussi à scolariser son fils en France. Depuis la rentrée de septembre 2010, il va donc au Clair logis, une école d'Havré, dans la banlieue de Mons. Matin et soir, un taxi vient le chercher chez lui, à Petite-Forêt, pour l'emmener de l'autre côté de la frontière. Il part le matin à 7 h 45 et revient vers 17 heures. Demain avec les appels d'offres et les transports groupés, elle craint fort que le trajet de son fils se rallonge plus que nécessaire : « Si ça se met en place, son temps de transport risque d'être triplé. Il passera alors près de 4 h 30 par jour dans les transports."

Amandine avec Maxence, son fils de huit ans et demi, scolarisé au Clair Logis, une école d'Havré, en Belgique.

La maman comprend d'autant moins la mesure que son fils ne coûte rien à la Sécu française : «C'est le contribuable belge qui paie pour l'école de Maxence. S'il était dans un IME, en France, ça coûterait 950 E par jour. Là, le transport coûte 2 500 E par mois. Rien comparé au financement en IME. L'État ne paie pas pour la scolarité de mon fils ; il doit avoir au moins le droit d'avoir le transport payé ». La mère de famille comprend la nécessité de faire des « restrictions budgétaires» mais pas au détriment des personnes transportées. Elle craint par exemple de la maltraitance avec des personnes pas forcément aguerries au transport d'enfants handicapés avec des troubles du comportement. Depuis qu'il va en Belgique, Maxence s'est habitué à son chauffeur de taxi, toujours le même. Elle craint aussi des « bus de la honte. Ils vont ramasser les personnes handicapées pour les emmener en Belgique ».

Depuis que son fils va à l'école, en Belgique, Amandine Weaver l'a vu progresser : « Il va très bien. Il est heureux. Il a tellement attendu le jour où il irait à l'école, lui qui n'a jamais pu aller en classe de maternelle. Aucune école en France ne voulait de lui. Là il commence à lire avec la méthode des Alphas. C'est plus difficile pour écrire mais il manipule l'ordinateur et le traitement de texte. Il a développé d'autres capacités. Il avance et progresse. » Alertée par le chauffeur de taxi de Maxence, Amandine Weaver a décidé, à son tour, de sensibiliser Marc Bury, le maire de Petite-Forêt. Elle l'a rencontré hier après-midi : « Il est solidaire du combat des taxis ». Comme elle.

VÉ. B. (La Voix du Nord)

Le rapport de Cécile Gallez de 2008 recense 2 920 jeunes enfants accueillis dans l'enseignement spécialisé belge et 1 900 enfants handicapés accueillis en établissements spécialisés. 59 % sont originaires du Nord, 13 % du Pas-de-Calais, 14 % d'Ile-de-France et 9 % de Lorraine.

Commentaire : la France ferait bien mieux de scolariser convenablement ses enfants, au lieu de rogner sur leurs frais de transport. Le prix de cet exil coûte bien plus en honte qu'en argent.

EDIT : Cette proposition de loi a été abandonnée.

13 commentaires:

Jean-Louis Chapellier a dit…

Vous me permettrez d'indiquer que les élèves belges de l'enseignement spécialisés ne bénéficient que de transports collectifs, généralement assurés par des entreprises privées.

Isabelle Resplendino a dit…

non, ce ne sont pas des entreprises privées, c'est la région qui finance les transports scolaires. Et justement les transports collectifs sont notre gros point noir.
Donc, au lieu de copier ce que nous avons de mieux, les Français copient ce que nous avons de pire...
Je vous renvoie à ce dossier :
http://www.dgde.cfwb.be/index.php?id=3050

dfr a dit…

Merci pour cet article, j'ai mis un lien sur mon blog consacré au traitement de l'autisme en France :
http://autisme-scandale-francais.overblog.com/
bon courage.Christophe

Isabelle Resplendino a dit…

Merci Christophe !

RB a dit…

Bonjour
Tout à fait d'accord avec cet article sur le fond.
2 remarques : le prix de journée en IME n'est pas de 950 €, mais entre 2 et 4 fois moindre (disons de 200 à 400 € selon le type de handicap, transports compris).
Et les transports sont collectifs.

Isabelle Resplendino a dit…

Excusez pour le retard dans la publication de votre commentaire, il a bien été lu assez tôt, mais nous étions loin des commandes utiles de publication.

Pour les coûts, cela vient probablement de la confusion entre IME/HDJ. Voir quelques exemples ci-dessous. Les transports PEUVENT être collectifs, mais pas toujours, notamment pour les HDJ ou là allons-y : ambulance, carrément…

Ne serait-il pas préférable, pour leur épanouissement, pour la morale, pour les résultats, pour l'impact budgétaire, pour les DROITS DE L'HOMME, DE L'ENFANT, DE LA PERSONNE HANDICAPEE, de scolariser ces enfants près de leur domicile ?

La question de la maltraitance sur les transports en commun se pose surtout sur les longs trajets, comme il est expliqué dans le dossier belge en lien dans le commentaire de l’auteur du blog plus haut.

Mais on peut imaginer ce que ça peut faire par exemple sur des personnes en dialyse même sur de courtes distances… la directive européenne étant pour les appels d’offres des marchés publics de choisir le plus bas coût.

Exemples de coûts :

Région parisienne : moyenne en 2008 (guidedesdemarches.com)
• IME (Institut Médico-Éducatif) : 48300 €/an à 52500 €/an (prix à la journée entre 230 € et 250 € x par 210 jours annuels, sachant qu’une séance peut être considérée comme une journée). En sachant qu'un IME sous contrat et agréé bénéficie d'une aide financière pour les locaux et n'a pas en charge l'enseignante de l'éducation nationale.
• Hôpital de jour : 93800 €/an

France : prix moyen de journée en hôpital psychiatrique en 2010 (Autisme France-Autisme 87)
• 700 €/jour

CH Laborit/CHU Poitiers : 1er janvier 2012 (CGT Laborit)
• Hospitalisation à temps plein en service psychiatrie enfant et adolescent :

592 €/jour
• Hospitalisation en journée en service psychiatrie enfant et adolescent : 448€/jour

Nous rappelons que ces tarifs peuvent être multipliés au cours d’une même journée, la tarification de l’acte étant parfois considérée comme celle d’une journée. Le coût en HDJ peut ainsi aller jusqu’à 1000 €/jour

Isabelle Resplendino a dit…

Aussi : afin d'éclaircir un peu plus le propos, nous rappellons qu'il s'agit (mais il est en lien) de l'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui a déjà été entérinée.

Cependant, pas d'expérience concrète encore sur le terrain.

Isabelle Resplendino a dit…

Et qu'il s'agit (comme c'est précisé en lien) des transports à caractère sanitaire, donc aussi bien pour le handicap que pour la santé, (vers tout établissement de type médical en fait) pour tout le territoire français.

Cela est d'abord proposé comme test dans certains départements (non encore précisés) pour s'étendre à tout le territoire.

Beaucoup de départements exilent leur personnes en situation de handicap vers la Belgique (certains plus proches de la Suisse vers la Suisse, cela dépend des frontières mais la Belgique est plus "recherchée" même par des départements éloignés). Si les transports pour ces départements sont sur la sellette, nul doute que le problème épineux de l'exil belge sera le premier concerné, en raison de la longueur du transport.

Isabelle Resplendino a dit…

Il faut donc bien comprendre l'enjeu : le transport à bas coût pour l'exil...

Sans passer le point Godwin ?

Françoise Boulanger a dit…

Isabelle, bravo pour ton titre qui est très bien choisi !

Pour ma part, outre le fait de rallonger de façon inhumaine le temps de transport, j'y vois un autre effet néfaste. C'est flagrant : ce système de rassembler des enfants présentant les mêmes comportements va justement détruire le bénéfice de l'école inclusive. Parce qu'amener un enfant autiste en taxi c'est déjà le faire rentrer dans la vie dite "normale". Rien que ce choix de prise en charge est génial. Pour l'enfant comme pour les parents.

De plus, lorsque j'ai travaillé moi-même en foyers pour enfants handicapés, j'ai remarqué que les enfants entre eux pouvaient se transmettre leurs angoisses respectives.

C'est donc une "réforme" particulièrement stupide* qui comme tu le dis risquerait précisément de créer de la maltraitance. *(imaginée par des "fonctionnaires débiles" ne connaissant rien à la vie réelle...)

Quant aux différents coûts, tu l'as tout de suite souligné, les comparatifs se suffisent à eux-mêmes : rassure-toi, à mon avis, ça ne se fera part !

Isabelle Resplendino a dit…

Bonjour Françoise,
Je n'aurais pas la dent si dure sur les fonctionnaires, ils ne pouvaient sans doute pas mesurer tous les risques simplement par méconnaissance, et on peut comprendre.

Leur principal tort a été de préparer cette réforme sans demander conseil aux personnes du milieu associatif qui étaient au courant. J'espère qu'ils feront mieux la prochaine fois le cas échéant.

Isabelle Resplendino a dit…

Mme Touraine a reçu hier une délégation des taxis, on peut espérer que s'il y a application de cette réforme dans le futur qu'elle se fasse à condition de respecter les droits des usagers.

Isabelle Resplendino a dit…
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